Les sources de pollution de l’air intérieur sont nombreuses et variées : matériaux de construction, mobiliers, décorations, produits d’entretien, parfums d’ambiance, air extérieur…
On serait alors tenté de remédier au problème en utilisant des systèmes de réduction de la pollution, comme la photocatalyse. L’ADEME a publié (septembre 2020) un avis technique à ce sujet.
Il existe 2 types de systèmes intégrant cette technique :
La photocatalyse est un procédé chimique qui permet à un catalyseur d’oxyder des composés gazeux, tels que les Composés Organiques Volatils (COV) jusqu’à leur dégradation en dioxyde de carbone (CO2) et en vapeur d’eau (processus de minéralisation). Pour activer le catalyseur et initier la réaction, un rayonnement UV est nécessaire.
A l’extérieur, sur des revêtements de bâtiments ou de routes, le principe de la photocatalyse a montré une efficacité dans la dépollution de l’air extérieur, notamment avec des réductions d’oxyde d’azote de 40 à 57 %.
A l’intérieur, l’utilisation plus récente de cette technique n’a pas encore fait ses preuves.
Certes, sur papier, les avantages de la photocatalyse sont indéniables :
Cependant, en conditions réelles, le phénomène est plus complexe.
Plusieurs paramètres influencent l’efficacité de la photocatalyse :
La nature des polluants à éliminer
S’ils sont efficaces pour un polluant, les épurateurs d’air actifs ne le sont pas forcément pour tous. La capacité à réduire les concentrations en polluant varie suivant le COV étudié, pour un même appareil.
La production potentielle de polluants secondaires
Lorsque la réaction photocatalytique n’est pas complète, elle n’aboutit pas à la formation de vapeur d’eau et CO2, mais à des COV secondaires, notamment du formaldéhyde [1]. Ces émissions secondaires semblent cependant limitées selon les études.
Le vieillissement des dispositifs
Selon l’ADEME, certains systèmes vieillis artificiellement, en laboratoire, ne sont plus aussi efficaces et une diminution de leur performance d’épuration de l’air est observée. Cette diminution peut être due à plusieurs facteurs qui nécessiteraient des études complémentaires :
Le débit d’air épuré
Il correspond au temps nécessaire pour que le système traite au moins une fois le volume d’air complet d’une pièce (l’efficacité photocatalytique). L’ADEME a conclu selon ses analyses que l’efficacité de certains systèmes, mesurées dans des conditions contrôlées en laboratoire (volume d’air, température, humidité…) ne l’est pas forcément en condition réelle. D’ailleurs très peu d’études se penchent sur l’utilisation « réaliste » de ces systèmes.
L’humidité
L’efficacité de la photocatalyse dépend de la teneur en humidité de la pièce. Une humidité élevée tend à diminuer la performance des systèmes.
La nature et l’intensité lumineuse
Si vous avez été attentif au début de cet article, vous aurez retenu que la photocatalyse fonctionne à l’aide d’un rayonnement UV. Or les fenêtres stoppent une partie des rayons UV du soleil et les éclairages intérieurs en émettent peu. Des études doivent être menées sur l’efficacité de la photocatalyse en lumière visible. L’ADEME ajoute dans son document « En présence d’un éclairage réaliste et représentatif d’environnements intérieurs, l’effet photocatalytique s’est avéré relativement faible pour divers matériaux photocatalytiques étudiés dans les conditions d’essai du projet IMP-AIR. » L’impact des matériaux provenait majoritairement de l’adsorption [2] des COV à leur surface.
Le contact avec le catalyseur
Pour être efficace, il faut que le contact entre les polluants et le matériau dépolluant soit suffisant. Ce temps de contact dépend :
Dans les espaces intérieurs, les polluants peuvent être évacués par la ventilation ou par l’ouverture des fenêtres, et n’atteignent donc pas le matériau dépolluant, ce qui le rend inutile.
Tous ces paramètres, qui influencent l’efficacité de dépollution des matériaux photocatalytiques, rendent difficile la prédiction des performances de ces systèmes.
Le catalyseur le plus utilisé dans les matériaux photocatalytiques pour la dépollution de l’air intérieur est le dioxyde de titane (TiO2), souvent sous forme nanométrique. Or, à cette échelle, il est classé « cancérogène probable » pour l’Homme par inhalation par le CIRC. L’émission de particules de TiO2 ainsi que l’exposition des personnes sont assez peu documentées à ce jour. Les quelques études analysées par l’ADEME montrent une variabilité du phénomène d’émission de TiO2 et il est donc difficile d’en tirer des conclusions.
Quant à la question des produits secondaires engendrés par la réaction photocatalytique, certains peuvent être nocifs pour la santé, mais leur concentration est en général faible et n’induirait pas de problème de santé. D’autres études doivent être menées pour s’assurer de ces conclusions.
Avis de l’ADEME sur les systèmes de photocatalyse pour l’épuration de l’air intérieur : « de nouveaux éléments scientifiques, collectés et analysés, permettent de démontrer pour certaines situations d’essais en conditions réalistes, l’efficacité et l’innocuité de certains dispositifs d’épuration de l’air intérieur par photocatalyse. […] Toutefois, les limites et incertitudes demeurent. »
Une démarche globale « Qualité de l’Air Intérieur » passe tout d’abord par la prévention et un renouvellement d’air efficace. En limitant les sources de pollutions, et en assurant un renouvellement d’air pour éliminer les polluants restants, est-ce nécessaire d’utiliser un système de dépollution dont l’efficacité à long terme doit encore être confirmée et qui dépend des conditions de mise en œuvre et d’utilisation ? Nous vous laissons vous faire votre propre avis sur la question…
[1] Le formaldéhyde est un polluant classé cancérigène certain par le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) et est souvent la cible des matériaux photocatalytiques. On le retrouve dans beaucoup de produits du quotidien, voir notre article : https://www.sante-habitat.be/infos-polluants/polluants-chimiques/formaldehyde/article/les-sources-de-formaldehyde-dans
[2] Lorsque les molécules se lient à un substrat de manière réversible. Elles peuvent se « détacher » en raison d’une variation de la température par exemple.
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